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Si l’université a pour rôle de séculariser et transmettre un savoir constitué sur plusieurs siècles, elle doit également s’interroger sur les évolutions de ce corpus de connaissances à l’aune des bouleversements économiques, sociétaux et technologiques.
Le début du XXIème siècle constitue une borne temporelle spécifique qui a vu l’obsolescence des dogmes et des théories d’urbanisme :
Nous avons cessé de réfléchir à la ville au moment où la croissance urbaine s’est accrue de façon spectaculaire dans les pays en voie de développement. Le triomphe de la ville coïncide exactement avec la fin de nos réflexions sur elle.1
Il est donc urgent de développer de nouvelles perspectives, et cela est particulièrement crucial dans le contexte actuel d’une urbanisation croissante. À l’école d’architecture de Paris Val de Seine, au sein du groupe A-LTO, nous menons une recherche avec les étudiants de Master sur le thème du projet urbain où les éléments de permanence sont convoqués en même temps que les questions de l’époque.
Deux écoles d’architecture, des enseignants engagés, des étudiants mobilisés sur des périodes très denses favorisant la fulgurance et la pertinence des propositions, des acteurs locaux, des architectes et des élus investis: autant de raisons et de possibilités essentielles d’une rencontre autour du projet d’architecture et de la fabrique de la ville contemporaine que Martine Weissmann nous décrit dans son article.
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« A quelques semaines d’intervalle, l’ENSA Paris-Val de Seine aura été présente deux fois à Marseille par l’intermédiaire de ses étudiants et de ses enseignants: l’une à l’occasion du Séminaire “Polygonal” rencontre “informelle et souple entre écoles d’architecture” organisée à la Friche de la Belle de Mai les 27, 28 et 29 mai 2016, l’autre à l’occasion de l’exposition des travaux étudiants présentés dans ce catalogue, le 28 Juin 2016.
Je veux y voir là, les signes d’une collaboration à consolider entre deux écoles dont le projet pédagogique ne peut se concevoir sans un travail de proximité et de “bonne intelligence” avec ceux qui font la ville. C’était le sens récent, de la forte implication de l’ENSA Paris-Val de Seine dans le concours “ré-inventer Paris”.
Nos étudiants font leurs études dans deux écoles dont le territoire immédiat ou proche pose la question de la ré-écriture de la ville, les uns avec “Marseille EuroMéditerrannée, la plus grande opération urbaine de l’Europe du Sud”, les autres avec “Paris Rive Gauche, la plus grande opération urbaine depuis le baron Haussmann”. Dire cela, ce n’est pas vouloir faire assaut de superlatifs mais faire une proposition qui inscrit la collaboration entre deux écoles dans un monde qui “se présente de plus en plus comme un réseau d’aires métropolitaines échangeant entre elles”2 et dans lequel, il faut opposer, en France au moins, “la notion de solidarité et de reconnaissance progressive d’une seule métropole en réseau organisant l’ensemble du pays” à l’ancienne notion de “métropoles d’équilibre”2.
En poussant encore un peu les analogies, on notera que ces deux opérations urbaines majeures naissent de la reconquête des ports industriels : sur la méditerranée pour l’une, sur la Seine pour l’autre. Plus encore, comment ne pas faire le rapprochement dans l’ordre des idées au moins entre le “quai Panhard et Levassor” et la concession “Peugeot” : de l’emprise de l’industrie automobile à la “déprise” puis à la ré-invention de la ville du XXIème siècle.
Un workshop européen, il y a deux ans, à l’ENSA Paris-Val de Seine “Ré-Inventait le périphérique”. Ce qui est à l’oeuvre ici, c’est un changement du paradigme industriel et celui des mobilités et de l’automobile en particulier, fondateurs du XXème siècle.
Nos étudiants, si proches les uns de l’Unité d’Habitation et les autres de la Cité du Refuge, pourront ré-interroger la place de l’automobile dans l’oeuvre de Le Corbusier, lui qui a visité avec attention les usines FIAT à Turin ou encore Ford à Détroit.
Ainsi Raphel MONEO peut écrire :
Architecture must also assume its role in assimilating and integrating the automobile, finding a place for it in its agenda. I don’t think anyone would be surprised if I were to say that architecture has so far made very little effort to try to coexist with the automobile. . . . Contemporary architecture ‘mistreats’ the automobile, perhaps with the acquiescence of society. . . . Recalling the importance that Le Corbusier attached to the automobile seems to me to be a very relevant and useful reflection at the beginning of symposia like these. . . . Le Corbusier thought that the car should always be present in his architecture.3
Quelle sera la modernité de nos étudiants, architectes dans si peu de temps maintenant ?
Formulons le souhait que cette rencontre à Marseille ait été manière de réponse à cette interrogation.
Les complicités actives entre enseignants sont une condition première de toute collaboration féconde et pérenne, le plaisir des étudiants à travailler ensemble sur des sites qui les interpellent font la condition seconde. Il en est une troisième incontournable: l’accueil et l’accompagnement qui leur est fait par les élus, les responsables locaux de l’urbanisme et de l’architecture.
Ici, je le disais en ouverture de mon propos, ces conditions sont réunies; que chacun soit félicité et remercié pour le résultat présenté dans ce catalogue, mais surtout de ce qu’il laisse entrevoir ce que peuvent produire deux écoles en réseau d’une même “métropole-monde” lorsqu’elles rencontrent des interlocuteurs bienveillants, attentifs et ouverts. »
Philippe BACH
Directeur de l’ENSA Paris-Val de Seine
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1- Rem KOOLHAAS, Smart City, in Études sur (ce qu’il appelait autrefois) la ville
2- Pierre VELTZ, spécialiste des questions d’aménagement du territoire en particulier auprès de la DATAR ; il préside actuellement l’établissement public « Paris-Saclay »
3- Various authors, Automoción y Urbanismo : Europa – La ciudad ideal (Madrid: Fundación Barreiros, 2004), pp. 19–20. Cité dans “The Automobile in Le Corbusier’s Ideal Cities”. MIT PRESS